Si
les
juges
le condamnaient à mort, ils
auraient à en répondre un jour
ou l’autre,
et là, en
l’absence de loi intermédiaire,
ils encourront la peine de mort…
Depuis le 29
Avril, Tarek Aziz est censé être
jugé. Personne n’a eu de
nouvelles de lui. Il est sans
avocat. Son avocat irakien
Maître Badie a été expulsé de
son propre pays. Les demandes
que j’ai faites auprès de
l’ambassade d’Irak pour avoir un
visa et auprès de l’ambassade
américaine pour être autorisé à
voir mon client sont restées
sans réponse.
C’est un huis
clos complet.
***
Il ne faut pas
que la voix de Tarek Aziz en
effet soit entendue. Ministre
des affaires étrangères du
Président Saddam Hussein, il a
rencontré tous les chefs d’Etat
d’Occident qui ont armé l’Irak
au temps où ils pensaient
trouver en lui un allié docile.
Tarek Aziz
connaît trop de secrets
compromettants. Il faut le faire
taire définitivement mais, avant
de le pendre et le faire taire à
jamais, le Tribunal est là pour
le condamner déjà au silence. Il
faut que sa voix, tant qu’il est
encore vivant, soit étouffée.
Pour le pendre,
les occupants et leurs valets ne
peuvent invoquer son activité de
ministre qui les met en cause.
Alors ils le rendent, lui
ministre des affaires
étrangères, responsable de la
condamnation à mort de
trafiquants de marché noir par
des tribunaux dont il ne faisait
pas partie.
***
Tout cela se fait
dans la plus grande illégalité.
Nos défenseurs brevetés des
droits de l’Homme se taisent et
pourtant, comme me l’écrivait M.
Gourdault-Montagne au nom de M.
Chirac que j’avais saisi en son
temps des conditions de
détention de M. Tarek Aziz :
« S’agissant
des garanties judiciaires
auxquelles peut prétendre M.
Tarek Aziz, je relève que l’Irak
est partie au Pacte des Nations
Unies de 1966 sur les droits
civils et politiques qui
reconnaît à toute personne le
bénéfice de garanties
judiciaires procédurales.
Les autorités
irakiennes ont, certes, le droit
d’adopter des mesures qui
dérogeraient aux obligations
qu’impose cet instrument mais
seulement en cas de danger
public exceptionnel menaçant
l’existence de la Nation et sous
réserve de l’accomplissement de
certaines formalités
d’information des autres parties
au Pacte, par l’intermédiaire du
Secrétaire Général des Nations
Unies. Or, à ce jour, les
autorités iraquiennes n’ont pas
signalé aux autres Etats parties
l’adoption de mesures
dérogatoires. M. Tarek Aziz
bénéficie donc, dans ses
relations avec les autorités
iraquiennes, de la protection
que lui offre le Pacte des
Nations Unies de 1966 précité. »
Ce procès sans
avocat se déroule donc en
violation du Pacte des Nations
Unies sur les droits civils et
politiques.
***
Le tribunal qui
« juge » Tarek Aziz est le même
qui a condamné à mort Saddam
Hussein, sans qu’aucune voix ne
s’élève contre l’illégalité de
cette décision.
En effet, si la
peine de mort existait dans le
code irakien au moment de la
commission des faits reprochés à
Saddam Hussein comme à Tarek
Aziz, elle a été suspendue par
le décret n°1 du 9 Juin 2003 par
l’Autorité provisoire de la
Coalition.
« La peine de
mort est suspendue. Chaque fois
que la peine de mort est la
seule peine applicable à
l’infraction, le tribunal peut y
substituer la peine plus douce
de la prison à vie, ou toute
autre peine plus douce prévue
par le Code Pénal. »
Le gouvernement
Irakien a rétabli la peine de
mort le 8 Août 2004. Or
l’article 2 du Code pénal
irakien pose le principe commun
à tous les Etats de droit de
l’application de la loi pénale
plus douce (lex mitior),
ce qui signifie que si la loi a
changé plusieurs fois depuis la
commission d’une infraction, on
doit appliquer la loi la plus
favorable et pas seulement la
dernière en date.
La loi
intermédiaire interdisait au
tribunal de condamner Saddam
Hussein à la peine de mort.
Ils peuvent
invoquer pour excuser leur
ignorance du droit que
l’argument n’a pas été soulevé
par les avocats irakiens,
français et américains de Saddam
Hussein.
Ils ne pourront
invoquer ces circonstances
atténuantes en ce qui concerne
Tarek Aziz car ils savent
désormais que si nonobstant
cette mise en garde, ils le
condamnaient à mort, ils
auraient à en répondre un jour
ou l’autre, et là, en l’absence
de loi intermédiaire, ils
encourront la peine de mort |